Les auteurs : Suzanne O. Bell, Grace Sheehy, Andoh Kouakou Hyacinthe, Georges Guiella, Caroline Moreau
Journal : PLoS One, mai 2020
Contexte : En Côte d'Ivoire, l'avortement provoqué est légalement limité, sauf si une grossesse menace la vie de la femme. Pourtant, le peu de preuves disponibles suggère que l'avortement est courant et que les avortements dangereux contribuent à la mortalité maternelle élevée dans le pays. Notre étude visait à estimer l'incidence sur un an de l'avortement provoqué en Côte d'Ivoire en utilisant des méthodologies directes et indirectes, à déterminer la sécurité des avortements signalés et à identifier les femmes les plus susceptibles de subir un avortement provoqué récent ou un avortement à risque.
Les méthodes : En 2018, nous avons mené une enquête démographique représentative au niveau national auprès des femmes de 15 à 49 ans en Côte d'Ivoire. Les femmes ont fait part de leurs propres expériences en matière d'avortement et de celles de leur confidente la plus proche. Nous avons estimé l'incidence sur un an des avortements provoqués et la sécurité des avortements subis par les femmes. À l'aide d'une régression bivariée et multivariée, nous avons évalué séparément les caractéristiques sociodémographiques associées au fait d'avoir eu un avortement récent ou un avortement dangereux.
Résultats : Au total, 2 738 femmes ont participé à l'enquête, dont environ deux tiers ont fait part des expériences d'avortement de leur amie la plus proche. D'après les données des répondantes, l'incidence sur un an de l'avortement provoqué était de 27,9 (IC à 95 % : 18,6-37,1) pour 1 000 femmes en âge de procréer, tandis que l'incidence de la confidente était plus élevée, à 40,7 (IC à 95 % : 33,3-48,1) pour 1 000. Parmi les répondantes, 62,4 % des avortements étaient les plus dangereux, tandis que 78,5 % des avortements confidentiels étaient les plus dangereux. Les adolescentes, les femmes moins instruites et les femmes les plus pauvres ont subi les avortements les plus dangereux.
Conclusion : Cette étude fournit les premières estimations nationales de l'incidence et de la sécurité de l'avortement provoqué en Côte d'Ivoire, en utilisant une approche basée sur la population pour explorer les déterminants sociaux de l'avortement et de l'avortement à risque. En accord avec d'autres recherches, nos résultats suggèrent que les restrictions légales sur l'avortement en Côte d'Ivoire n'empêchent pas les femmes de se faire avorter, mais qu'elles poussent plutôt les femmes à utiliser des méthodes d'avortement non sécuritaires et potentiellement dangereuses. Des efforts pour réduire les méfaits de l'avortement à risque sont nécessaires de toute urgence.